RACONTE-MOI LES CONTES
Depuis le fond des âges, on raconte des contes. Dans toutes les civilisations, des histoires pleines de significations se transmettent. Dans le monde entier et dans toutes les cultures, ils font partie de la tradition.
Le conte fut d’abord une parole, transmise de génération en génération, en d’infinies variantes. Le conte n’est pas figé et il existe parfois plus de mille versions pour un même conte. Parfois un anonyme modifiait ou inventait, créant une nouvelle vision, précisant un enseignement ou développant une magie.
L’oralité, c’est la sociabilité. Les rares récits anciens décrivant les conteurs et leurs pratiques rapportent généralement des veillées, des mariages, des fêtes. Dans la société rurale, le conte est un rite social et le conteur un passeur entre les générations. Dans la société urbaine, le conte populaire va générer un genre littéraire qui fera à son tour œuvre de socialisation dans les salons. Et reviendra dans la famille par les enfants.
Un papyrus daté d’environ 1700 avant Jésus-Christ révèle des contes, prisés par le pharaon Khéops, le constructeur de la grande pyramide. Ces contes qui nous sont parvenus de l’Égypte ancienne ont d’étonnantes similitudes avec nos propres contes. De même, on a pu reconnaître des structures semblables entre les différents contes de l’Europe et de l’Inde. Le conte schématise ses personnages, multiplie les péripéties initiatiques, sème les obstacles, et donne la part belle à la Magie.
« Il était une fois », « dans une contrée lointaine »…. Les contes ne se réfèrent à aucune réalité précise et c’est pour cela qu’ils se répandent facilement, contrairement à la légende.
LES CONTES DANS LA LITTERATURE
Le conte désigne aujourd’hui à la fois un récit et un genre littéraire, ayant en commun d’avoir été transmis oralement. En tant que récit, le conte peut être court ou long. Ce qui le distingue du roman ou de la nouvelle, c’est sa forte portée émotionnelle, philosophique, initiatique, souvent teintée d’invraisemblance, de merveilleux ou d’horrifique.
Depuis la Renaissance, les contes sont un objet littéraire à part entière, qui va évoluer en fonction de ses publics. Le conte de Cendrillon par exemple, remonte au IXème siècle Av. J.C, en Chine, mais c’est en 1634 qu’elle arrive en Europe, transcrite par l’auteur italien Giambattista Basile. Il est le premier auteur à avoir mis les contes oraux par écrit, dans le Pentamerone. Ce recueil retranscrit les premières versions de la Belle au bois dormant, du Petit Chaperon Rouge et du Chat Botté.
En devenant un récit écrit, les contes ont aussi changé de public. Là où les contes oraux pouvaient s’adresser plutôt aux adultes, la réécriture de Charles Perrault, Hans Christian Andersen et les frères Grimm, adresse ces histoires pour un plus jeune public.
Nous allons nous limiter à 3 grandes familles de contes :
Le conte de fées
R. Bottigheimer fait une distinction entre contes de fées de rétablissement (restoration fairy tales) et les contes de fées d’ascension (rise fairy tales). Les premiers concernent les héros de souche royale qui sont éloignés de leur trône et qui retrouvent leur statut après des épreuves surmontées avec une aide magique. Les héros du second type vivent dans une grande pauvreté et parviennent au trône par un mariage obtenu suite à des épreuves passées avec une aide magique .
L’histoire des textes de Marie-Catherine d’Aulnoy en Angleterre montre que les premières traductions sont faites pour les lettrés des classes dirigeantes. Par la suite, ils seront déclinés pour les enfants, en gardant le merveilleux du magique et en adaptant les récits. L’histoire de l’édition permettrait aussi de situer la naissance des contes de fées à Venise au milieu du XVIème siècle.
Les contes populaires
Eux sont brefs, avec une trame linéaire qui renvoie au monde et au système de croyances de l’auditoire et qui ne se terminent pas toujours bien. Certains contes populaires ressemblent à des contes de fées, mais ils ne contiennent pas de merveilleux, ce qui en fait des « contes réalistes ».
D’après R. Bottigheimer, le monde rural peut être la source des contes populaires, qui sont proches des préoccupations du peuple à la campagne. Mais ce sont sûrement des citadins qui ont inventé les contes de fées, dont les images, les personnages et les références correspondent à un cadre urbain.
Le conte étiologique
C’est un récit qui explique un phénomène de la vie ordinaire en le rapportant à une origine mythique ou fictive. C’est un type de récit très fréquent dans la tradition orale, mais beaucoup d’écrivains se sont saisi du genre (Ovide).
LES CONTES THERAPEUTIQUES
« Les contes, nous le savons maintenant, nous aident à guérir. Ils permettent de nommer l’indicible, de dénouer les contradictions, de réparer les blessures de notre histoire présente et passée. Ils nous aident à grandir, à croître et à nous harmoniser. » Jacques Salomé
Les contes sont des récits initiatiques, ils montrent la voie, ils disent ce qui doit être, sous forme d’images. Ils disent des choses inter-dites entre les mots : tout ce qui ne peut se dire ou qui ne doit pas se dire (l’inceste dans Peau d’Ane, la pédophilie dans le Petit Chaperon Rouge). Tout ce que nous ne savons pas encore ou que nous avons oublié. Tout ce que nous ignorons et portons pourtant en nous. Un conte n’est pas un récit explicatif, mais une proposition imagée, qui va éveiller quelque chose de profondément enfoui dans l’inconscient collectif. Voilà pourquoi, il semblerait que les enfants y soient plus réceptifs que les adultes.
On connaît les travaux de Bruno BETTELHEIM, psychiatre analyste américain.
Dans un conte, le héros à la fin est toujours différent de ce qu’il était au début. Il a grandi : le conte est initiatique car il aide à passer à un niveau supérieur. Les personnages horribles ou les monstres, dans les contes, permettent aux enfants de mettre des images sur leurs peurs. On ne peut dépasser que ce que l’on peut nommer et cette distance ouvre la voie à la résilience.
B. BETTELHEIM a étudié l’effet bénéfique qu’avaient les contes de fées sur les enfants. « L’enfant trouve dans les contes un moyen de dépasser ses angoisses, qu’il y trouve sous une forme symbolique, ainsi que des suggestions sur la manière de traiter ses problèmes, de vivre ses ambivalences et sur comment s’acheminer en sécurité vers la maturité »
Selon lui, les contes devaient être contés, partagés dans la relation et l’émotion entre l’adulte et l’enfant. Dans ce contexte, il permet de donner à voir et surtout à entendre les conflits et les peurs qui agitent le psychisme de l’enfant. Et à la fois, il a un pouvoir réparateur, capable d’offrir un dépassement aux situations difficiles.
L’importance des SYMBOLES
Un symbole est comme une clé qui ouvre la porte d’un royaume imaginaire où chacun va voyager à sa guise. Il entre en relation avec un monde d’images qui nous habite, dont une partie est commune à tous et une partie singulière que nous créons au fil de notre vie. Cet imaginaire personnel contient la vision que nous avons de nous-mêmes et du monde.
L’imagination est la capacité de fabriquer et de voir des images dans sa tête. C’est une fonction fondamentale dans le développement, elle permet de visualiser des solutions, de voir les finalités. L’imagination donne la capacité de voir les choses autrement, donc de pouvoir les changer.
Les travaux de Milton ERICKSON, psychiatre américain, orientent vers une autre utilisation du conte.
Ses travaux sont à l’origine du développement et de la popularisation du conte en tant que technique thérapeutique pour les adultes. Erickson fut le créateur de ce que l’on appela alors métaphore ou allégorie thérapeutique, qui va influencer nombreuses méthodes thérapeutiques par la suite.
Le principe de l’allégorie thérapeutique est de développer une histoire présentant une forte similitude avec la problématique vécue par le patient et de proposer des solutions. Mais pour que les mécanismes de défense du patient, qui sont à l’œuvre dans la résistance au changement, n’annulent pas les solutions proposées, le conte les propose sous une forme symbolique.
Durant l’audition du conte, la faculté de raisonner ne disparaît pas, mais elle est comme mise en veilleuse. Le conte surprend l’auditeur, créant une ouverture dans une pensée qui tourne en rond. Par son aspect symbolique, il va aider la personne à créer du lien à l’intérieur d’elle-même, le conte devient un pont qui permet de passer de l’inconscient au conscient.
Ainsi, les contes ont cette qualité extraordinaire d’apporter un message sans l’imposer. Celui qui l’écoute prend ce qu’il peut intégrer et laisse le reste. Et même si rien ne semble le concerner au premier abord, les symboles vont infuser dans son inconscient et au fur et à mesure, tisser les liens analogiques et ouvrir un nouveau champ de perception.
Dans la fabrication du conte thérapeutique, il existe une composante qui participe grandement à son aspect « magique » : c’est l’intuition.
LES CONTES ET LA SPIRITUALITE
Les contes, les paraboles, les métaphores ont toujours été les fondements de la pédagogie. Ainsi, les prêcheurs franciscains et dominicains utilisaient les contes pour illustrer leurs prêches.
Dans le druidisme, la voie commence par la fonction de barde, puis vate (ou ovate) avant de pouvoir devenir druide. Car il fallait d’abord pouvoir laisser la créativité s’exprimer afin de s’ouvrir aux possibles, d’où l’utilisation de la musique, du chant et des contes. Le barde avait une place prépondérante dans la société en perpétuant la tradition orale.
Si le chamanisme est la plus ancienne pratique spirituelle connue, le conte est de toute évidence une des formes d’art la plus ancienne avec la musique et le chant. Henri Gougaud a maintes fois postulé que les contes pourraient être les traces des premiers voyages chamaniques de l’humanité. Dans certains voyages chamaniques, les chamanes tombent dans des trous pour accéder aux mondes invisibles (cf Michael Horner). Or, chez les frères Grimm, Frau Holl « tombe » dans le puits pour arriver dans un autre monde. C’est également le cas d’Alice au pays des merveilles… Ou encore le conte inuit de la « Femme squelette » qui est très exactement la transcription d’un rituel de guérison chamanique consistant à démembrer symboliquement une personne pour ensuite la reconstituer sans les maladies et mauvaises choses qui s’y étaient installées.
MAGIE DU CONTE, MAGIE DU REVE
Le conte ouvre sur un univers dont la poétique est principalement régie par le « primat du visible » qui prévaut dans le rêve, ainsi que le rappelle entre autres Jean-Bertrand Pontalis. Certains contes commencent par le rêve, où il s’agit d’aller voir. Ainsi Alice est-elle endormie quand elle tombe dans le trou menant du Pays des Merveilles. Dans mon voisin Totoro, Totoro apparaît après une scène montrant une des jeunes filles endormie. L’espace du rêve ne paraît jamais totalement coupé de l’univers du conte merveilleux.
“ Les contes, il faut avoir le temps de les rêver ”” (Félice, 1950, p. 453). Il faut laisser au conte, et le temps et la liberté de venir des mêmes sources inconscientes que le rêve.
En même temps qu’on est porté par le déroulement linéaire du récit, en même temps qu’on est attentif au déroulement des différentes actions, le message profond du conte atteint l’inconscient. C’est ainsi que le conte s’apparente au récit du rêve, il en a la portée symbolique et le pouvoir évocateur singulier.
CERCLE DE REVE, CERCLE DE GUÉRISON PAR LE CONTE
Dans le chamanisme, tout est relation. Chaque rêveur détient une pièce du puzzle, un morceau du Grand rêve sacré, et mieux se connaître reste une clé de changement pour la communauté.
Le partage du conte comme le partage du rêve dans un cercle sacré, vient mettre au travail nos représentations, nos imaginaires. Il vient éveiller nos zones endormies et ouvrir les espaces intuitifs de guérison.
Nous vous proposons de venir vivre cette expérience unique, celle d’aller chercher, dans un cercle sacré, le conte qui viendra parler au guérisseur en vous. Celui qui, dans la magie d’un voyage chamanique, vous emmènera explorer les chemins de votre inconscient et de vos ressources.
La pratique rituelle garantit la solidité du contenant dans lequel va pouvoir se déployer l’inconscient.
Au plaisir de vous retrouver dans le prochain cercle de Conte au Portail des Magies
.Sandrine D.